En 2015, Philippe Richert (LR) était sorti largement gagnant d’une triangulaire face à Jean-Pierre Masseret (PS) et au candidat frontiste, Florian Philippot qui avait donné des sueurs froides à son adversaire le devançant au 1er tour de presque 10 points. Une victoire qu’il doit aussi aux électeurs de gauche qui se sont reportés sur sa liste pour faire barrage au FN.
Jean Rottner qui a pris la succession de Philippe Richert en 2017 parviendra-t-il à contenir le score de son 1er opposant, Laurent Jacobelli qui porte les couleurs du RN ? Celui qui a juré qu’il ne fera pas d’alliance au 2e tour avec la ministre LREM, Brigitte Klinkert, devra peut-être faire preuve de pragmatisme et revenir sur sa promesse. En effet, dans le cas d’une quadrangulaire, Laurent Jacobelli est donné vainqueur avec 32 % des voix contre 29 % pour le président sortant. Les deux listes de gauches accepteront-elles de se retirer pour faire barrage au RN? Pour rappel, malgré les consignes de Manuel Valls, Premier ministre en 2015, Jean-Pierre Masseret, président sortant de Lorraine avait refusé de se retirer contrairement aux candidats PS en PACA et Hauts-de-France. En effet, du côté de la gauche, on est loin du compte : Florian Philippot, candidat Les Patriotes – anciennement tête de liste FN en 2015- devance même l’ex-ministre PS, Aurélie Filippetti, alliée aux insoumis. Celle qui a échoué dans sa tentative d’union de la gauche, ne se prive pas de dénoncer le refus de négociations de l’écologiste, Éliane Romani, soutenue par le PCF et le PS, et créditée de 14 % des voix à égalité avec Brigitte Klinkert.
Le président sortant – médecin urgentiste à l’hôpital de Mulhouse – semble pourtant bien implanté et aborde ces régionales avec une stature renforcée au sortir de la crise sanitaire. Ce dernier s’est rapidement mué en lanceur d’alerte durant la crise. Pour autant, il est confronté à plusieurs difficultés notamment au sein de son propre camp. Ce dernier a refusé la députée européenne et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy Nadine Morano, sur sa liste, lui reprochant son rapprochement avec le RN.
L’organisation territoriale cristallise les tensions dans une région – qui s’apprête à vivre des élections inédites avec le choix des conseillers de la nouvelle Collectivité Européenne d’Alsace – où nombreux sont ceux qui dénoncent le mariage forcé des trois anciennes régions en 2015. À ce sujet, Jean Rottner n’est pas épargné. Il incarne pour certains l’hégémonie alsacienne, pour d’autres, il représente celui qui a trahi les identités régionales en s’érigeant en défenseur de la grande région. Une situation profitant au Rassemblement National qui surfe sur le rejet des grandes régions et ne se prive pas de se jouer des divisons internes au parti LR.
Les yeux sont alors rivés sur le second tour. Quelle stratégie d’alliance ou de désistement pour faire barrage à l’extrême droite ? Jean Rottner pourra-t-il faire sans une alliance avec la majorité présidentielle et fragiliser encore davantage le positionnement du parti LR à l’approche de l’élection de 2022 ?